Suzanne de Baecque se forme à la Classe Libre du Cours Florent puis elle intègre la promotion 6 de l’École du Nord (direction Christophe Rauck).
Durant cette formation, elle travaille à plusieurs reprises sous la direction d’Alain Françon, parrain de la promotion. Elle fait aussi la rencontre d’intervenants comme Cyril Teste, Guillaume Vincent, Frédéric Fisbach, Cécile Garcia-Fogel, Jean-Pierre Garnier, André Markowicz, Pascal Kirsch ou encore Margaux Eskenazi.
Elle joue le rôle de Lisette dans le spectacle d’Alain Françon, La Seconde surprise de l’amour de Marivaux, création au Théâtre du Nord et à l'Odéon, puis en tournée.
Elle sera aussi comédienne dans une des prochaines créations de Séverine Chavrier, une adaptation de Absalon, Absalon ! de William Faulkner au CDN Orléans/Centre-Val de Loire où elle est également artiste associée. Elle y présentera à partir d’octobre 2022 sa première mise en scène.
Au cinéma et à la télévision, elle tourne dans plusieurs productions sous la direction de Sarah Suco (Les Éblouis), Blandine Lenoir, Nikola Lange (dans la série féministeDerby Girl) ou encore Anne Depétrini.
A l’été 2020, dans le cadre d'un projet immersif proposé en dernière année de sa formation à l’Ecole du Nord de Lille, Suzanne de Baecque décide de se présenter à l’élection de Miss Poitou- Charentes, d'infiltrer le comité en se mettant en scène dans le réel tout en questionnant sa pratique de comédienne.
Mais aussi partir à la rencontre de ses concurrentes - Lauraline, Lolita, Chloé - des jeunes filles de son âge dont le rêve est de devenir « Miss régionale », d'interroger leurs motivations joyeuses ou touchantes et leurs désirs d'émancipation à l'heure où une nouvelle parole féministe est en train de naître, de se libérer.
L’École du Nord, où j’étais élève-comédienne, avait mis en place un atelier de recherche
appelé « croquis de voyage » au début de ma troisième année. Le concept de l’atelier,
élaboré par Cécile Garcia-Fogel, se résumait en une ligne : pendant un mois, partir en
solitaire avec son sac à dos et un projet personnel, imaginé quelque part en France. Au
retour de cette immersion assez radicale, en faire naître une forme artistique. Nous
étions libres d’inventer tout ce que nous voulions : écriture, théâtre, danse, vidéo, ...
J’avais l’instinct qu’il fallait que je travaille à un endroit inconfortable. Que le but de cet exercice était de me déplacer en tant qu’actrice, que j’expérimente des choses dont je ne me sentais pas capable. Un vertige s’est alors ouvert en moi et je me suis demandée, peut-être sincèrement pour la première fois, quelle actrice j’étais. Mais surtout qu’est-ce qui me questionnait, me dérangeait et me faisait souffrir intimement dans mon métier. Comment je voyais les autres comédiennes aussi. Et quelles lignes je voulais essayer de bouger.
Au quotidien, je suis toujours très intimidée par le regard (celui des hommes en
particulier) que l’Autre peut poser sur moi. Et dans ma formation, je me suis souvent
interdit de jouer un certain type de rôle. « La jeune première ».
Il y a 4 ans, je passais les concours des écoles nationales de théâtre. Je me souviens de
cette période particulièrement angoissante faite de remises en question. Je ne cessais
de me questionner sur mon désir de devenir actrice et sur ma capacité à y arriver. J’étais partie me reposer quelques jours chez ma mère qui vit une partie de l’année à
Berthegon, un petit village du Poitou-Charentes. Une pause s’imposait. C’était une
après-midi, et j’étais en train de faire les courses au Super U de Lencloître, la petite ville
la plus proche du village. J’accompagnais mon beau-père. Nous allions passer à la
caisse. Pendant l’attente de notre tour, nous feuilletions les magazines. Il y avait une
petite affiche, à coté des revues, où il était inscrit quelque chose comme : «
Mesdemoiselles, plus que quinze jours pour déposer sa candidature pour l’élection de
Miss Poitou-Charentes... ». Mon beau-père s’est alors tourné vers moi et m’a dit avec
son second degré légendaire: « Ah bah tiens, si t’as pas tes concours, tu pourras t’inscrire à miss Poitou ! ». J’en ai eu comme le souffle coupé. Ca y est, elle était là,
l’actrice porte-manteau. On venait de mettre l’actrice et la miss dans le même sac. Un
métier d’image, de représentation et de communication. Mais quelles étaient réellement
leur différence ? C’était de plus une phrase méprisante pour tout le monde. Pour les
actrices, qui n’ont pas toutes demandées à être des vitrines et des égéries de luxe. Pour
les ÙMiss, qui n’ont pas besoin de ce mépris de classe permanent.
Quatre ans plus tard, j’ai repensé au Super U de Lencloître. J’avais trouvé mon projet. Me présenter à l’élection de Miss Poitou-Charentes 2020. En tant qu’actrice. J’avais besoin de vivre l’expérience intimement, de me mettre en scène dans le réel. Infiltrer le comité miss Poitou-Charentes à ma manière, sentir comment le concours transforme mon propre corps. Mais aussi partir un mois en Poitou-Charentes à la rencontre de mes concurrentes. Des jeunes filles de mon âge qui se présentent aux concours de beauté et dont le rêve est de devenir « miss régionale ». Comprendre ce rêve qu’elles ont toutes en commun. Comment en 2020, alors qu’une nouvelle parole féministe est en train de naître, de se libérer, peut-on avoir envie de devenir miss Poitou-Charentes ? Qu' y a-t-il derrière ces corps que l’organisation Miss France fabrique ? Interroger leur désir. Ce mélange de grande violence et de rêverie : à la fois l’aliénation à des codes machistes et un très grand panache tant ces jeunes filles décident de s’exhiber sous ce regard.
Suzanne de Baecque
CRÉATION
9 et 10 septembre au CDNO