D’après Absalon, Absalon ! de William Faulkner
Traduction de René-Noël Raimbault et révisée par François Pitavy
Adaptation et mise en scène Séverine Chavrier
Scénographie et accessoires Louise Sari
Son Simon d’Anselme de Puisaye et Séverine Chavrier
Lumière Germain Fourvel
Vidéo Quentin Vigier
Costumes Clément Vachelard
Cadrage Claire Willemann
Éducation des oiseaux Tristan Plot
Dramaturgie et assistanat à la mise en scène Marie Fortuit, Marion Platevoet et Baudouin Woehl
Conseil dramaturgique diversité et politiques de représentation Noémi Michel
Avec (sous réserve) Pierre Artières-Glissant, Maric Barbereau, Daphné Biiga Nwanak, Adèle Joulin, Jérôme de Falloise, Alban Guyon, Jimy Lapert, Armel Malonga, Annie Mercier, Hendrickx Ntela, Ordinateur et Laurent Papot
Avec l’équipe de la Comédie de Genève
Plateau Mateo Gasteldello, Sylvain Sarrailh et Mansour Walter
Lumière Thomas Rebou
Son Alizée Vazeille
Vidéo Gilles Borel
Habillage Karine Dubois
Fabrication décor Ateliers de la Comédie de Genève
Conception et dessin Gilles Perrier et Alain Cruchon
Serrurier Hugo Bertrand et Wondimu Bussy
Menuisier Yannick Bouchex, Balthazar Boisseau et Mathias Brigger
Et l’ensemble des équipes administratives et techniques de la Comédie de Genève
Production Comédie de Genève
Coproduction CDN Orléans / Centre-Val de Loire, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Teatre Nacional deCatalunya, ThéâtredelaCité – Centre dramatique national Toulouse Occitanie, Bonlieu – Scène nationale d’Annecy,Théâtre de Liège- DC&J Création avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et d’InverTax Shelter (en cours)
Soutien de la Fondation Ernst Göhner, JTN – Jeune Théâtre National – Paris
Remerciements à Caroline Bonnafous, Tess Du Pasquier, Judith Zagury, l’équipe du CDN Orléans
Après Les Palmiers sauvages, Séverine Chavrier retrouve les mots de William Faulkner avec l’un de ses romans les plus magistraux. Inspiré d’un épisode biblique, ce texte, plus proche d’une tragédie antique, déploie une multitude de récits. Plusieurs voix s’entremêlent, se répondent pour saisir le dessein d’un homme assoiffé de reconnaissance sociale qui échoue dans l’inceste et le fratricide à fonder une lignée. Dans l’amassement d’un mystère et l’enroulement d’un vertige, Faulkner y décèle plus largement la légitimité absolue d’une fondation du Sud.
Après Les Palmiers sauvages, qui a tourné en France et en Europe depuis six ans et dont une version chilienne a été créée en janvier 2020 au Festival international Santiago A Mil et tourne en Amérique Latine depuis, je vais me replonger dans l’écriture de Faulkner en travaillant sur son roman phare Absalon, Absalon ! Dans ce roman, nous touchons au coeur de l’écriture de l’auteur, Les Palmiers sauvages étant sans doute le roman le moins faulknérien de Faulkner. Dans Absalon, Absalon ! il s’agit du Mississippi, des planteurs, de Jefferson, des Noirs et des Blancs, des lignées et des atavismes qui vont avec, de la guerre de Sécession, de la défaite et de l’amertume, bref de la tragédie de ce « Sud » quasi mythologique. Ce Sud ou la condamnation des hommes et des femmes, blancs et noirs, qui y vivaient, y respiraient, y élevaient leurs enfants, y cousaient des robes qui devaient servir du baptême à la tombe, au mariage et au rendez-vous notarié.
Édouard Glissant dans Faulkner Mississippi (peut-être le plus beau texte écrit sur l’auteur américain) raconte, lui, l’impossibilité des Américains à fonder une légitimité à cause de ces deux événements traumatiques que sont le massacre des Indiens et l’esclavage. Absalon, Absalon ! c’est l’histoire d’un homme blanc, plus bas que bas, qui se fait renvoyer par un esclave noir quand il sonne à une porte à l’âge de 12 ans, qui lui dit : « Tu passeras par derrière », ce qui est une sorte d’humiliation suprême pour lui. Il veut alors se venger, dans une soif de reconnaissance sociale absolue. Seul, il quitte tout, devient un homme et bâtit une maison qui serait aussi une dynastie. Mais il échouera finalement, puisque cette lignée se perdra dans un fratricide incroyable et un inceste non consommé. Cette histoire est, en quelque sorte, l’histoire des Atrides au milieu de cette terre du Mississippi. Racontée au jeune Quentin (à de jeunes gens), c’est l’histoire d’un monde qui n’existe plus, de ce Sud qui n’existe plus.
Mais qu’est-ce donc que ce sud ? Cette condamnation, que chacun porte en soi ? Voilà ce que nous cherchons aussi avec la question de la scénographie. Qu’est-ce donc que cette maison pharaonique qui reste trois ans sans fenêtre ? Parce qu’il y a d’abord la construction, (par douze esclaves noirs dont deux femmes et un architecte français retenu de force) puis le besoin de trouver une femme pour y mettre de l’âme ? Et tout à coup l’homme va en chercher une brutalement, l’épouse brutalement, et lui fait des enfants brutalement. Mais à l’époque de la fameuse « one drop rule » (principe de classification raciale aux États-Unis, qui affirme qu’une goutte de sang noir dans les veines d’un homme doit suffire à faire de lui un nègre) l’homme n’échappe pas à la tragédie. Le sang noir (même invisible) coule déjà et continuera de couler dans le sang des héritiers et viendra corrompre et anéantir ce rêve fou de pureté et de vengeance.
Enfin, comme souvent chez Faulkner, « ce qui est raconté » et « comment et par qui est-ce raconté ? » sont les deux revers d’une même médaille. Sur cette médaille on pourrait voir le général Lee, le lendemain de la bataille de Gettysburg, sur fond de chevauchée haletante. Et au verso les visages fantomatiques et scandalisés d’hommes et de femmes qui n’ont toujours pas compris pourquoi Dieu avait permis qu’ils perdent la guerre.
Le récit est ainsi morcelé, réparti, dévoilé par différents personnages, les oreilles et le cerveau de Quentin Compson (qui était à présent comme une salle de bal vide) vient accueillir tous ces fantômes, dont certains sont sans doute encore vivants. Le récit est donc un puzzle qu’il faut construire ou une vieille pierre tombale à révéler pour y comprendre les inscriptions. C’est aussi une histoire de suspens, mais pas le suspens de ce qu’il va se passer mais plutôt un suspens de trajet. On tourne autour de cette maison, la maison hantée, la maison des fantômes recouverte de feuillage et aux carreaux brisés que nous avons tous connue dans notre enfance. La maison a priori inhabitée autour de laquelle les enfants jouent à se raconter les histoires des gens qui y vivaient. Ce n’est pas un suspens narratif mais un suspens en spirale, plus enveloppant, peut être plus anxiogène aussi, c’est peut-être cette moiteur du Sud qui descend en nous. - Séverine Chavrier
17 au 29 janvier
Comédie de Genève
5 et 6 février
Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
13 et 14 février
Théâtre de Liège
25 mars au 11 avril
Odéon – Théâtre de l’Europe – Paris
22 et 23 avril
CDN Orléans